Les comédies populaires manquent considérablement dans le paysage cinématographique tunisien. Autrefois, il y a eu «Les deux larrons en folie» de Ali Mansour avec Lamine Nahdi qui a connu un succès public considérable et puis presque plus rien. Le cinéma tunisien penche davantage vers le drame social. D’autant plus que les festivals ne donnent pas de l’importance aux comédies. Rares sont les producteurs qui prennent des risques pour ce genre de films pourtant assez populaire et générateur d’argent.
Depuis 2020, le Groupe de distribution et d’exploitation Goubantini Lassâd et Wassila a relevé le défi en produisant son premier film comique «Machki wa Awed» (Rebelote) avec des acteurs devenus célèbres grâce à leur apparition à la télévision dans des séries ou des sketches. Karim Gharbi, Bassem Hamraoui, Jaâfer Guesmi, Lotfi Abdelli et l’illustre Kamel Touati sont les clés du succès de ce premier opus. En 2022, les Goubantini, ayant goûté l’exploit de cette aventure, ont mis les bouchées doubles pour produire une nouvelle comédie «Sabak El Khir» (Demain sera mieux) avec Karim Gharbi, Lotfi Abdelli, Kamel Touati. Le succès ne s’est pas fait attendre. Le public assoiffé de rire a répondu à l’appel et cette tragi-comédie qui le réconcilie avec les salles de cinéma.
La mayonnaise a pris, revoilà les Goubantini sur les devants de la scène avec un nouvel opus encore plus hilarant que les précédents, «Super Tounsi» avec toujours la même équipe aux manettes : Kais Chekir et devant la caméra Kamel Touati, Karim Gharbi, Bassem Hamraoui, Naima El Jeni… Pourquoi changer une équipe qui gagne ? «Super Tounsi» est donc une comédie sympathique, la narration est simple, les ressorts sont classiques et s’inspirent fortement des comédies américaines et des films de super-héros. «Super Tounsi» est un super-héros charismatique, qui, avant de mourir assassiné, transmet son pouvoir magique à Suleiman (Karim Gharbi), personnage naïf, rongé par la peur et qui est la risée de tout le monde y compris sa mère (Naima El Jeni), son oncle (Sofiène Dahech) et sa fiancée (Lobna Sediri). Grâce à son pouvoir extraordinaire, le chef du gouvernement (Kamel Touati), secondé par un de ses ministres (Bassem Hamraoui), le charge de sauver le pays d’une imminente catastrophe. Suleiman enfile le costume de Super-héros et affronte ses propres peurs pour cette mission. Pour sauver la Tunisie et le monde, il se trouve confronté à un psychopathe qui prend les allures du Joker dont les plans maléfiques consistent en la destruction de la mémoire des Tunisiens.
Des figures antagonistes
Dans un entretien avec François Truffaut (réalisateur et critique de cinéma français), Alfred Hitchcok (réalisateur américain) déclarait : «Plus le méchant est réussi, plus réussi sera le film». Dans ce cas de figure et avec les moyens modestes du cinéma tunisien, on peut avouer que ce pastiche est réussi. Bien sûr, il n’y a aucune comparaison avec le mythique clown monstrueux qu’est Jack Nicholson ou encore le justicier Michael Keaton dans «Batman» (1989) de Tim Burton. Le «Super Tounsi» et un produit pur jus tunisien, produit juste pour amuser le public et le déstresser en empruntant ces figures antagonistes de ce blockbuster hollywoodien.
Dans la Tunisie d’aujourd’hui en perte de vitesse, un jeune, humilié par son entourage, va rencontrer la gloire et l’estime grâce à un pouvoir surnaturel qui lui permettra de sauver le pays d’un obus dévastateur, mais un psychopathe, mal dans sa peau, sujet à des accès de rires incontrôlables, au visage de clown miteux, dont l’enfance a été ravagée à force d’humiliations, prend sa revanche par une avalanche de violence.
En réalité la violence n’est pas gratuite. Elle est justifiée par les malheurs des personnages. Même s’il est bien installé dans la vie, le Joker reste cet enfant d’un père inconnu, triste et blessé, qui cherche à se venger du monde. Le super-héros traîne, quant à lui, ses tourments face à une mère indigente, un oncle véreux, chef d’une troupe de musique populaire et une fiancée avide. Mais, lui, par contre, au lieu de détruire le monde veut le sauver et sauver en même temps sa vie et gagner l’estime de tous.
Le scénario, co-écrit par Kais Chekir, Zine Abidine Mastouri et Ahmed Essid, est bien ficelé avec des retours en arrière pour comprendre les caractères des personnages. La réalisation est honnête. Les scènes d’action sont bien menées avec en sus des séquences de dessins animés. Le casting est réussi : Karim Gharbi remplit bien son rôle d’ingénu tandis que son opposé Bassem Hamraoui excelle dans celui du méchant pervers. Sans oublier tout le reste des acteurs Kamel Touati, Naima El Jeni, Sofian Dahech, Lobna Sediri, Amine Essafi… «Super Tounsi» est un bon divertissement pour tout public: enfants et adultes.